Du 26 au 28 septembre 2025, le Bénin a accueilli la 6ᵉ édition de la Journée internationale du droit à l’autonomie corporelle et à l’avortement sécurisé (JIAS), sous le thème mondial : « L’avortement sécurisé sauve des vies ».
Organisée par l’Initiative Kaléidoscope et ses partenaires, cette édition a rassemblé des autorités, des professionnels de santé, des activistes, des organisations de la société civile, des partenaires techniques et financiers ainsi que des médias, à Ouidah, Porto-Novo et Cotonou.
Ce rendez-vous a été l’occasion de dresser un état des lieux, de réaffirmer des engagements, mais aussi de pointer les défis qui freinent encore l’accès équitable à l’avortement sécurisé.

Un thème porteur d’espoir et de responsabilité

Le Président du Collège National des Gynécologues et Obstétriciens du Bénin (CNGOB) a ouvert la cérémonie officielle en rappelant que l’avortement sécurisé est bien plus qu’un droit de santé reproductive : c’est un soin médical vital.
Il a présenté le projet Initiative Kaléidoscope Bénin, financé par la Women’s Global Network for Reproductive Rights (WGNRR) et mené avec le COJAS Bénin, dont les objectifs sont multiples :

  • renforcer l’accès à l’avortement sécurisé conformément à la loi n°2021-12,
  • réduire la stigmatisation et lever les obstacles socioculturels, en mobilisant les leaders communautaires et religieux,
  • améliorer la qualité des services, via la formation continue et la disponibilité des prestataires,
  • donner une voix aux sans-voix, grâce à une communication participative et inclusive.
    Dans son allocution, il a souligné que la célébration de cette journée ne devait pas rester symbolique :
    « L’enjeu est de renforcer l’application effective de la loi, de former les prestataires, de sensibiliser les communautés et de garantir que chaque femme, où qu’elle vive au Bénin, puisse accéder à ce soin dans des conditions sûres et dignes. »

Le soutien affirmé du secteur de la santé

Prenant la parole au nom du ministère de la Santé, un représentant a réaffirmé l’engagement du gouvernement à réduire la mortalité maternelle et néonatale, rappelant que l’atteinte des Objectifs de développement durable (ODD) impose des progrès rapides et tangibles.
Toutefois, il a aussi insisté sur les défis persistants :
« Malgré les réformes institutionnelles et légales, un obstacle majeur demeure : la barrière morale, religieuse et sociale. Si nous ne travaillons pas sur l’humain – la population, mais aussi les prestataires – nous risquons de voir le personnel de santé devenir le dernier obstacle infranchissable. »
Cet obstacle touche en priorité les plus vulnérables. Ceux qui ont les moyens trouvent toujours une alternative. Mais les femmes marginalisées restent sans recours, et continuent de se tourner vers des pratiques clandestines.
L’intervenant a tenu à rappeler une réalité peu connue : avant même la loi de 2021, des interruptions volontaires de grossesse existaient déjà au Bénin. Les méthodes médicales et les médicaments n’ont pas changé depuis. La réforme a seulement ouvert la possibilité de rendre le service légal et accessible.
Mais si la stigmatisation et la peur de la censure persistent, le risque est de maintenir le service dans la clandestinité, excluant ainsi les femmes les plus fragiles.

L’intervention de Dr Raphaël Totognon : Un enjeu de santé publique

Le Dr Raphaël Totognon, sous-coordinateur du projet Kaléidoscope Bénin, a replacé la question de l’avortement sécurisé dans le cadre des indicateurs de santé publique.
Il a rappelé que le Bénin enregistre encore 382 décès maternels pour 100 000 naissances vivantes, alors que l’ODD vise moins de 70 décès d’ici 2030. Selon l’Enquête Démographique et de Santé de 2018, 15 % des décès maternels sont directement liés aux avortements à risque.
« Refuser ce soin, c’est obliger les femmes à se tourner vers des méthodes clandestines, avec des conséquences dramatiques : infections, hémorragies, stérilité et parfois la mort », a-t-il averti.
Son plaidoyer s’est adressé directement aux jeunes et aux femmes en âge de procréer :
« Le cadre légal béninois est favorable. Si vous êtes confrontées à une grossesse non désirée, ne prenez pas de risques. Rendez-vous dans un centre de santé, où des professionnels qualifiés vous prendront en charge en toute sécurité. »

La nécessité d’une cartographie dynamique des services

Un plaidoyer a également été formulé autour d’un outil essentiel : la cartographie dynamique et actualisée de l’offre des services.
Cet outil doit permettre aux responsables sanitaires de visualiser en temps réel :
les centres offrant effectivement l’avortement sécurisé,
les distances parcourues par les femmes, notamment celles issues des zones reculées.
« La cartographie ne doit pas rester statique. Elle doit devenir un instrument d’aide à la décision, permettant par exemple de déployer un prestataire dans un centre où il est nécessaire. Ainsi, aucune femme ne sera condamnée à errer de centre en centre sans trouver le service », ont souligné les intervenants.
Une première expérience a déjà été menée au cours du premier semestre 2025. Les organisateurs entendent renforcer cet outil pour garantir une meilleure planification et un accès équitable aux soins

Vulgariser la loi et aller jusqu’aux communautés rurales

Regina Aho, responsable de l’initiative Kaléidoscope pour la COJAS, a animé une séance interactive sur les acquis et les défis, quatre ans après l’adoption de la loi de 2021.
Elle a rappelé que si des progrès notables ont été réalisés grâce à l’engagement du ministère de la Santé et des leaders communautaires, des efforts supplémentaires sont nécessaires :

  • vulgariser davantage la loi,
  • sensibiliser et informer les populations,
  • adapter le langage au contexte culturel et religieux,
  • atteindre les zones rurales et reculées.
    « L’objectif est que chaque femme et chaque fille connaisse ses droits, mais surtout puisse en bénéficier réellement dans les centres de santé », a-t-elle affirmé.
    Elle a également annoncé que les recommandations recueillies lors de cette édition nourriront le plan d’action annuel du projet Kaléidoscope, avec l’ambition de présenter en 2026 des résultats concrets et mesurables.

Le mur de l’engagement : un symbole collectif

La célébration s’est conclue par une séquence forte : la signature du mur de l’engagement. Chaque participant – autorités, partenaires, professionnels de santé, activistes – a apposé sa signature sur une bâche symbolique, comme gage de responsabilité et de soutien à la cause.
Ce moment a permis de transformer la parole en acte symbolique, rappelant que l’accès à un avortement sécurisé est un combat collectif, où chacun a un rôle à jouer.

Transformer les lois en accès réel

La Journée internationale de l’avortement sécurisé 2025 au Bénin aura été un temps de réflexion, de plaidoyer et de mobilisation.
Les allocutions, présentations et débats ont mis en lumière un message central : les réformes légales ne suffisent pas si elles ne se traduisent pas en un accès effectif et équitable aux soins. Les obstacles moraux, religieux et sociaux, l’absence de cartographie dynamique et la persistance de la stigmatisation demeurent des freins majeurs.
Mais les engagements pris à Ouidah, Porto-Novo et Cotonou laissent entrevoir une dynamique forte, nourrie par une coopération internationale et nationale. Le rendez-vous est pris pour 2026, avec l’espoir que les efforts conjoints permettront de sauver des vies, de réduire la mortalité maternelle et de garantir aux femmes béninoises le respect de leurs droits fondamentaux en matière de santé sexuelle et reproductive.

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